Lettre du capitaine Monrozier le 9 novembre 1914

[...] Ne vous préoccupez pas outre mesure de ce que je vous ai dit au sujet du colonel et de ce que j’ai promis à madame Nanta : il ne s’agit pas de lui faire un rempart de mon corps, dans la guerre moderne, ceci n’existe plus, il s’agit beaucoup plus pacifiquement de veiller à ce que le colonel se soigne, à ce qu’il ne fasse pas d’imprudences inutiles et à ce qu’il ne se laisse pas envahir par le noir, ce qui lui arrive quelquefois depuis la mort de son fils. Mais soyez bien tranquille, ma chère Li, je sais que j’ai une femme qui m’aime, que je suis père de 9 enfants et je serai très prudent.

Nous avons eu ce matin la visite de notre porte-drapeau (Stéphani) qui a eu un petit accident et qui rentre pour se soigner et qui nous a donné des détails intéressants : le régiment est exactement à Mailly-Champagne et son adresse officielle est :

118^ème territorial – 1^ère division marocaine – armée d’Esperey – Bureau Central Militaire Paris.

Je vous ai immédiatement passé une carte avec indication de cette nouvelle adresse pour qu’il n’y ait pas de temps perdu dans notre correspondance. Ce Mailly est à une dizaine de kilomètres au sud de Reims et à une vingtaine au nord d’Épernay, qui est la gare de ravitaillement. Le village a reçu quelques obus lancés par des Taubes et le régiment occupe à certains jours les tranchées de 2^ème ligne mais ce service se fait par bataillons et l’état-major (dont je suis) n’y participe pas. [...]

Aujourd’hui, journée très occupée par nos préparatifs, cela commence à prendre tournure. De 7^h du matin à 5^h du soir je ne me suis assis qu’une heure pour dîner et en rentrant mon pied n’était pas enflé ; il n’y a plus qu’un petit point douloureux et à condition de ne pas marcher trop vite, cela va très bien.