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118e RIT
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10 août 2005

Lettre du lundi 10 août 1914 depuis Beaulieu

[...]Je reçois enfin aujourd’hui, à la fois vos lettres du 1er, du 2 et du 3 et j’espère avoir demain des nouvelles plus récentes.
Que devenez-vous ? Que ne donnerais-je pas pour le savoir ?
Je vais vous adresser demain une procuration générale mais je crains hélas que vous ne puissiez en retirer grand chose car il me paraît presque impossible que vous puissiez retirer des fonds. Vous avez dû voir dans les journaux qu’un décret a prorogé toutes les échéances jusqu’au 5 octobre et que les personnes ayant des dépôts en banque ne peuvent toucher que 250F + 5% sur l’excédent. Il n’est fait exception que pour les payes.
Pour la paye de samedi, si l’usine est encore ouverte, le mieux serait d’aller voir monsieur Denis, de la maison Denis & Chènevière, 14, place Tolozan qui doit avoir un relevé de façons d’au moins 2 000F pour juillet et de lui demander quelque chose. Pour Ludewig, il est infiniment regrettable que l’envoi n’ait pas été fait le 31, c’est de l’argent qui ne rentrera pas, en admettant que cet envoi puisse être fait le 12 comme le dit votre lettre ; il faudrait en tous cas lui téléphoner pour savoir s’il continue à payer comptant avant de lui faire l’envoi.
Il me semble que même si Fuzier reste, il sera difficile de marcher au-delà du 15, les payes ne pouvant être faites. En cas de fermeture, il faut donner un acompte aux ouvrières si vous le pouvez ; peut-être pourriez-vous aussi voir monsieur Bonhomme pour lui demander quelques mille francs pour cet acompte. Peut-être vous les donnera-t-il, mais je n’y compte guère. Que de tristes démarches je vous demande, ma pauvre Louise ! En cas de fermeture, prévenir Cicéron et Bisson qu’ils cessent d’être appointés, mais qu’ils sont autorisés à conserver leurs logements. Éteindre le fourneau de la cantine, fermer tous les locaux de l’usine, couvrir et décharger les pièces (par le père Morel), faire cultiver le potager le mieux possible, cela peut être une ressource appréciable. Pour les domestiques, les prévenir que pendant la guerre ils seront nourris, mais peu ou pas payés.
Dans l’usine, que Cicéron fasse la guerre aux rats qui peuvent nous causer des dégâts terribles ; dis lui que je le charge tout particulièrement de la surveillance des pièces et des soies pour éviter les dégâts des rats et les vols de soie. Quant à B[isson], si tu le trouves dangereux, il faut l’expédier mais je crois que pour le moment il vaut mieux le ménager et le prendre par la douceur. En tous cas, s’il y avait des mesures énergiques à prendre contre lui, adressez-vous à Monsieur Audrut ou à Valentin. Que de ruines vont suivre cette guerre, ma pauvre Louise ! Pour notre cas particulier, il y aura assurément beaucoup d’indulgence de la part de nos créanciers et le Sacré-Cœur aidant, peut-être nous en sortirons nous !
Pour le cas improbable où nous ne nous reverrions pas, je vous rappelle que j’ai comme assurances vie : [...]
Hier je suis allé à la messe avec le colonel, mais nous sommes arrivés comme on sortait. Nous sommes cependant entrés pour faire une prière et j’ai constaté avec plaisir que l’église était dédiée au Sacré-Cœur, notre suprême appui.
Depuis hier, j’ai le temps de dormir et même de faire des siestes. J’ai remarquablement bien supporté le surmenage de la mobilisation. Beaucoup de mes camarades étaient à bout, avaient la fièvre et n’auraient pas résisté deux jours de plus. Pour moi, j’étais las mais encore bien dispos.
Je vous écris de la terrasse de l’hôtel, devant la mer splendide, qui malgré tout invite au calme. Hier j’ai télégraphié à maman et à vous. Ce soir j’ai reçu un long télégramme de maman.
Votre Lu.
Si l’usine est fermée, il faut que Cicéron et Fuzier emballent en paquets tout le tissu du magasin à cause des rats.
Que savez-vous des usines de la région ? Sont-elles fermées ?
Si possible, envoyez moi un groupe des enfants et de vous.

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